L’économie désirable
Jean Marie Bergère, membre de Brie’Nov, interviewe Pierre Veltz, dans le cadre de la revue Métis, à propos de la sortie de son dernier ouvrage L’économie désirable. Sortir du monde thermo-fossile (La République des idées. Le Seuil. janvier 2021)
Il est vraiment trop tôt pour imaginer les scénarios du monde d’après. Nos sociétés sont composées d’une pluralité de mondes vécus et traversées d’évolutions multiples. La pandémie et la crise économique et sociale les révèlent, les amplifient ou les accélèrent plus qu’elles ne les créent. Par exemple le travail à distance et l’omniprésence du numérique ne constituent pas en soi des bifurcations. La dissociation spatiale entre le travail et son substrat, dans les bureaux, mais aussi dans les usines, est une tendance de très longue durée. On a simplement appris que les possibilités de pousser plus loin cette dissociation étaient bien plus grandes et accessibles qu’on ne l’imaginait. La distinction entre les « activités de l’arrière » et celle du « front », en contact avec le client, l’usager, le patient, s’est révélée pertinente quant à la possibilité de se protéger de la contagion, mais elle n’est pas nouvelle en termes d’organisation ou de management du travail. Elle est d’ailleurs, soit dit au passage, tout à fait transversale à la distinction habituelle entre industrie et services, qui devient anachronique – ce qui m’a conduit à parler depuis plusieurs années de société hyper-industrielle, résultant de la convergence entre industrie, services et numérique